LA RÉVOLUTION ÉCLECTIQUE EST TOUJOURS EN MARCHE !
Une ré-étude de l'éclectisme en architecture du point de vue de l'utilisation expressive de la structure
Travail de recherche réalisé dans le cadre du cours Conception de structures de M. Thomas Vilquin
(Master 2), 2008-09, La Cambre-Architecture.
(Master 2), 2008-09, La Cambre-Architecture.
DÉFINITION DU SUJET
A l'origine de cette recherche se trouve le désir de considérer sous l'angle particulier de la structure (construction, résistance) des édifices que l'enseignement contemporain de l'architecture relate habituellement du point de vue spécifique de l'histoire de l'art et de l'esthétique, c'est-à-dire en termes d'appartenance exclusive à l'Histoire.
Cette recherche s'inscrit dans un cadre global visant à examiner, dans le domaine de l’architecture, les relations entre parti architectural et parti structurel.
La période de l'éclectisme (du grec eklegein, « choisir »), qui se manifeste de 1820 à 1910, est fort pertinente à ce point de vue: l'intensité de ces relations y connut un pic remarquable au point de la désigner comme une période exemplative d'un « expressionnisme structurel ».
Dans le contexte de transformation socio-politique des lendemains de la Révolution française et de puissantes novations technologiques, l'éclectisme, se diffusant de la philosophie vers les arts et plus tard vers la politique, se veut un « système médiateur empruntant quelque chose à tous les autres et les accueillant tous pour tous les concilier ».
En architecture, l'éclectisme se dresse comme une réaction au néo-classicisme qui dans sa quête de perfection plastique dissimulait la construction sous un revêtement unifié.
Une nouvelle génération de constructeurs va en effet se réapproprier les discours et débats techniques et s’illustrer à travers une architecture dont l’esthétique est faite de la sur-expression de sa construction, et ses options explicitement liées aux nouveaux critères que sont notamment l'efficacité de la structure et l'économie du projet.
La rationalité constructive de ces ouvrages en fait des objets concrètement et lisiblement décomposables, et renvoie au concept de composition qui sous-tend les recherches architecturales du XIXe siècle: une négociation heureuse entre parti esthétique et parti technique.
Le style Art Nouveau, dont nous verrons l'inscription dans la définition esthétique et philosophique de l'éclectisme, engagera l'évolution de la réflexion vers le modernisme, puis le post-modernisme et enfin diverses réflexions sur la période contemporaine.
Le double objectif est ici de reconsidérer (et d'esquisser les liaisons entre) différentes recherches à différentes époques quant à l'expressivité structurelle des édifices, à sa valeur, - hors d'un propos catégorisateur sur les styles -, et de sensibiliser à l'actualité des leçons et démonstrations produites pas la révolution éclectique en architecture.
A l'origine de cette recherche se trouve le désir de considérer sous l'angle particulier de la structure (construction, résistance) des édifices que l'enseignement contemporain de l'architecture relate habituellement du point de vue spécifique de l'histoire de l'art et de l'esthétique, c'est-à-dire en termes d'appartenance exclusive à l'Histoire.
Cette recherche s'inscrit dans un cadre global visant à examiner, dans le domaine de l’architecture, les relations entre parti architectural et parti structurel.
La période de l'éclectisme (du grec eklegein, « choisir »), qui se manifeste de 1820 à 1910, est fort pertinente à ce point de vue: l'intensité de ces relations y connut un pic remarquable au point de la désigner comme une période exemplative d'un « expressionnisme structurel ».
Dans le contexte de transformation socio-politique des lendemains de la Révolution française et de puissantes novations technologiques, l'éclectisme, se diffusant de la philosophie vers les arts et plus tard vers la politique, se veut un « système médiateur empruntant quelque chose à tous les autres et les accueillant tous pour tous les concilier ».
En architecture, l'éclectisme se dresse comme une réaction au néo-classicisme qui dans sa quête de perfection plastique dissimulait la construction sous un revêtement unifié.
Une nouvelle génération de constructeurs va en effet se réapproprier les discours et débats techniques et s’illustrer à travers une architecture dont l’esthétique est faite de la sur-expression de sa construction, et ses options explicitement liées aux nouveaux critères que sont notamment l'efficacité de la structure et l'économie du projet.
La rationalité constructive de ces ouvrages en fait des objets concrètement et lisiblement décomposables, et renvoie au concept de composition qui sous-tend les recherches architecturales du XIXe siècle: une négociation heureuse entre parti esthétique et parti technique.
Le style Art Nouveau, dont nous verrons l'inscription dans la définition esthétique et philosophique de l'éclectisme, engagera l'évolution de la réflexion vers le modernisme, puis le post-modernisme et enfin diverses réflexions sur la période contemporaine.
Le double objectif est ici de reconsidérer (et d'esquisser les liaisons entre) différentes recherches à différentes époques quant à l'expressivité structurelle des édifices, à sa valeur, - hors d'un propos catégorisateur sur les styles -, et de sensibiliser à l'actualité des leçons et démonstrations produites pas la révolution éclectique en architecture.
1. RÉVOLUTION ET RECHERCHE D'UNE LÉGITIMITÉ
« ...Vous êtes volute, vous n'avez rien d'ogive. »
Alfred de Musset
Depuis 1750, le néo-classicisme, ralliant tous les arts au « grand goût », avait enjoint l'architecture à des valeurs d'uniformité, de sobriété du décor, d'échelle monumentale.
Goût et pratiques revêtaient un caractère officiel de par leur politisation et leur établissement institutionnel: l'Académie, créée par Louis XIV, se chargeait en effet de règlementer et d'attribuer brevets, titres et prix à la sphère architecturale et artistique de l'époque, et représentait l'institution de référence en matière de définition du goût, d'interprétation des traités, etc.
Après les événements de la Révolution française qui dissolvent ces établissements, l'idée d'un idéal esthétique unique est mise à mal, de même que l'omnipotence professionnelle que conférait l'enseignement néo-classique élitiste aux architectes. Ces derniers ne peuvent plus référer à une autorité, aux règles de l'architecture, pour justifier leurs propositions: il leur faut accepter, dans la nouvelle organisation sociale où ils vivent, la discussion.
L'architecte va devoir exister à titre personnel, détaché des dogmes, et défendre, face à la menace des ingénieurs, des entrepreneurs et du maître de l'ouvrage lui-même (en ce qu'il est prêt à se passer de ses services), sa compétence du processus de la construction et la prévalence de l'architecture sur la technique.
Cette recherche de réappropriation des discours constructifs et architecturaux, les architectes éclectiques vont la mener selon trois axes: une discussion technique, une discussion sur la référence, une discussion sur la finalité sociale de l'architecture.
Pratiquement, la démonstration va s'effectuer sur les noeuds de l'édifice, c'est-à-dire aux lieux d'assemblage ou de rencontre des parties de la construction qui ne relèvent pas de la même technologie. Il ne s'agit pas de prouver la connaissance des différentes techniques des corps d'état, mais de manifester un art à les conjuguer.
Pour faire face à la disparition des motifs de justification, ce procédé tente de se placer dans l'histoire, de par un recours à l'expérience: les édifices projetés sont comparés avec des bâtiments existant dont l'effet peut être apprécié.
Le débat portera donc, dès les prémices du mouvement, sur le choix et la façon de considérer les édifices de références. C'est en effet l'interprétation de ces exemples qui doit permettre de définir l'architecture (du nouveau siècle qui la réclame), et la façon de combiner leurs éléments qui doit déboucher sur des formes nouvelles.
L'établissement d'une version nouvelle de l'histoire de l'architecture s'impose, consciente, au-delà des styles, des facteurs et circonstances qui ont déterminé les différentes architectures. « Il est impossible en effet d'apprécier les édifices transmis par le cours des siècles si l'on ignore les circonstances qui les ont fait naître, c'est-à-dire le caractère, les moeurs, la religion des peuples qui les ont érigés, le climat du pays, la constitution géologique du sol, et les produits naturels qui fournissent les moyens d'exécution. »
Ainsi, théorie de l'architecture et histoire se confondent. La création est indissociable de l'expérience, de la connaissance et de l'observation.
Analyser l'histoire de l'architecture revient pour les architectes éclectiques à analyser l'histoire de la doctrine architecturale, du contexte idéologique des bâtiments, sujet neuf de débat qui envahit le quotidien de la conception. Et dans le milieu professionnel, la discussion à propos des doctrines est vive puisque l'enjeu de la confrontation, pour la profession, est la commande.
Le début du XIXe siècle est le lieu historique de ruptures signifiantes: évolution irréfragable de la technologie (fer, machine à vapeur, électricité) et de l'organisation politique (fin des monarchies absolues). Les nouvelles conditions de concurrence de cette société transformée font découvrir aux architectes le pan éminemment social de leur pratique, caractérisée par la difficulté d'obtenir la commande publique, de comprendre le système qui la régit, de s'inscrire dans les réseaux de la commande privée, d'exposer, d'écrire, etc.
Ces diverses explorations (ou ces prospections? ou discussions?) mènent la profession à un champ de questionnements réflexifs -et pertinemment actuels- : «[...] Qu'est ce qui constitue la légitimité d'un style d'art? [...] A quelles influences sont dues les transformations des styles? [...] Tous les styles sont-ils simultanément admissibles aujourd'hui? Peut-on accepter quelques-uns d'entre eux, à l'exclusion des autres? Lesquels peut-on accepter, et pourquoi ceux-ci et non ceux-là? Faut-il les repousser tous? Quels seront les éléments du style moderne? Le style moderne doit-il retenir quelques parties des styles anciens? ».
Se posent ainsi la question nouvelle de la nécessité de l'architecture, et celle du visage de l'architecture de demain.
Parmi les échanges, les architectes éclectiques se rejoignent du moins sur un point: le travail de l'architecte doit exprimer les besoins du siècle. Le siècle nouveau appelle un style nouveau.
Tandis que la nouvelle « société bourgeoise et industrielle, en se posant comme radicalement autre, confond dans un même regard archéologique tous les langages précédant sa révolution politique et culturelle », les éclectiques ne considèreront jamais leur pratique séparée de l'histoire de l'architecture : « leur projet était d'être moderne dans l'histoire. »
Pour les éclectiques, l'architecture n'a pas de fin en soi. La recherche d'un nouveau style répond au projet politique d'une société nouvelle, à des aspirations républicaines et/ou libérales.
La question est de savoir jusqu'à quel degré de l'architecture peuvent pénétrer et influer les questionnement fondamentaux posés par ces aspirations, et de quelle manière rendre leurs recherches architecturales signifiantes pour la société.
Goût et pratiques revêtaient un caractère officiel de par leur politisation et leur établissement institutionnel: l'Académie, créée par Louis XIV, se chargeait en effet de règlementer et d'attribuer brevets, titres et prix à la sphère architecturale et artistique de l'époque, et représentait l'institution de référence en matière de définition du goût, d'interprétation des traités, etc.
Après les événements de la Révolution française qui dissolvent ces établissements, l'idée d'un idéal esthétique unique est mise à mal, de même que l'omnipotence professionnelle que conférait l'enseignement néo-classique élitiste aux architectes. Ces derniers ne peuvent plus référer à une autorité, aux règles de l'architecture, pour justifier leurs propositions: il leur faut accepter, dans la nouvelle organisation sociale où ils vivent, la discussion.
L'architecte va devoir exister à titre personnel, détaché des dogmes, et défendre, face à la menace des ingénieurs, des entrepreneurs et du maître de l'ouvrage lui-même (en ce qu'il est prêt à se passer de ses services), sa compétence du processus de la construction et la prévalence de l'architecture sur la technique.
Cette recherche de réappropriation des discours constructifs et architecturaux, les architectes éclectiques vont la mener selon trois axes: une discussion technique, une discussion sur la référence, une discussion sur la finalité sociale de l'architecture.
Pratiquement, la démonstration va s'effectuer sur les noeuds de l'édifice, c'est-à-dire aux lieux d'assemblage ou de rencontre des parties de la construction qui ne relèvent pas de la même technologie. Il ne s'agit pas de prouver la connaissance des différentes techniques des corps d'état, mais de manifester un art à les conjuguer.
Pour faire face à la disparition des motifs de justification, ce procédé tente de se placer dans l'histoire, de par un recours à l'expérience: les édifices projetés sont comparés avec des bâtiments existant dont l'effet peut être apprécié.
Le débat portera donc, dès les prémices du mouvement, sur le choix et la façon de considérer les édifices de références. C'est en effet l'interprétation de ces exemples qui doit permettre de définir l'architecture (du nouveau siècle qui la réclame), et la façon de combiner leurs éléments qui doit déboucher sur des formes nouvelles.
L'établissement d'une version nouvelle de l'histoire de l'architecture s'impose, consciente, au-delà des styles, des facteurs et circonstances qui ont déterminé les différentes architectures. « Il est impossible en effet d'apprécier les édifices transmis par le cours des siècles si l'on ignore les circonstances qui les ont fait naître, c'est-à-dire le caractère, les moeurs, la religion des peuples qui les ont érigés, le climat du pays, la constitution géologique du sol, et les produits naturels qui fournissent les moyens d'exécution. »
Ainsi, théorie de l'architecture et histoire se confondent. La création est indissociable de l'expérience, de la connaissance et de l'observation.
Analyser l'histoire de l'architecture revient pour les architectes éclectiques à analyser l'histoire de la doctrine architecturale, du contexte idéologique des bâtiments, sujet neuf de débat qui envahit le quotidien de la conception. Et dans le milieu professionnel, la discussion à propos des doctrines est vive puisque l'enjeu de la confrontation, pour la profession, est la commande.
Le début du XIXe siècle est le lieu historique de ruptures signifiantes: évolution irréfragable de la technologie (fer, machine à vapeur, électricité) et de l'organisation politique (fin des monarchies absolues). Les nouvelles conditions de concurrence de cette société transformée font découvrir aux architectes le pan éminemment social de leur pratique, caractérisée par la difficulté d'obtenir la commande publique, de comprendre le système qui la régit, de s'inscrire dans les réseaux de la commande privée, d'exposer, d'écrire, etc.
Ces diverses explorations (ou ces prospections? ou discussions?) mènent la profession à un champ de questionnements réflexifs -et pertinemment actuels- : «[...] Qu'est ce qui constitue la légitimité d'un style d'art? [...] A quelles influences sont dues les transformations des styles? [...] Tous les styles sont-ils simultanément admissibles aujourd'hui? Peut-on accepter quelques-uns d'entre eux, à l'exclusion des autres? Lesquels peut-on accepter, et pourquoi ceux-ci et non ceux-là? Faut-il les repousser tous? Quels seront les éléments du style moderne? Le style moderne doit-il retenir quelques parties des styles anciens? ».
Se posent ainsi la question nouvelle de la nécessité de l'architecture, et celle du visage de l'architecture de demain.
Parmi les échanges, les architectes éclectiques se rejoignent du moins sur un point: le travail de l'architecte doit exprimer les besoins du siècle. Le siècle nouveau appelle un style nouveau.
Tandis que la nouvelle « société bourgeoise et industrielle, en se posant comme radicalement autre, confond dans un même regard archéologique tous les langages précédant sa révolution politique et culturelle », les éclectiques ne considèreront jamais leur pratique séparée de l'histoire de l'architecture : « leur projet était d'être moderne dans l'histoire. »
Pour les éclectiques, l'architecture n'a pas de fin en soi. La recherche d'un nouveau style répond au projet politique d'une société nouvelle, à des aspirations républicaines et/ou libérales.
La question est de savoir jusqu'à quel degré de l'architecture peuvent pénétrer et influer les questionnement fondamentaux posés par ces aspirations, et de quelle manière rendre leurs recherches architecturales signifiantes pour la société.
2. L’ÉCLECTISME EN TANT QUE SYSTÈME
« [...]Les éclectiques proclamaient avec logique le principe selon lequel personne ne devait accepter aveuglément du passé l'héritage d'une unique méthode philosophique (ou d'une unique méthode architecturale) à l'exclusion de toute autre; mais qu'au contraire chacun devait décider rationnellement et librement quels étaient les faits philosophiques (ou les éléments architecturaux) employés dans le passé qui puissent convenir à l'époque présente, et que l'on devait ensuite les reconnaître et les respecter quel que fut le contexte dans lequel ils étaient susceptibles d'apparaître.»
Peter Collins
La rupture avec le néo-classicisme se consomme également sur le terrain de l'interprétation des programmes. Là où les premiers défendaient une uniformité de langage abritant des programmes différents, les architectes éclectiques suggèrent l'appropriation du style au programme.
L'éclectisme, autrement qu'un style coalisant les productions homogènes, va s'énoncer en système: Le principe en est la différenciation. Tout le vocabulaire architectural de l'histoire est à disposition pour inspirer le style du siècle nouveau. Davantage que la différenciation stylistique (choix du vocabulaire de références), c'est le mode de traitement des références qui va individualiser l'édifice.
Les styles contradictoires de l'éclectisme sont ainsi destinés à se confronter, ces contrastes situant les édifices les uns par rapport aux autres.
Le philosophe Victor Cousin donne vers 1817 son sens moderne (de « système ») au terme éclectisme.
Selon le politicien Adolphe Thiers, l'éclectisme est « une direction de goût qui consiste à réunir les qualités d'écoles différentes pour en former un ensemble harmonieux. »
Il ajoutera plus tard: « C'est aussi, pour la critique, savoir apprécier et louer les qualités particulières et opposées de ces écoles. »
3. LE CONCEPT DE COMPOSITION
L'éclectisme, autrement qu'un style coalisant les productions homogènes, va s'énoncer en système: Le principe en est la différenciation. Tout le vocabulaire architectural de l'histoire est à disposition pour inspirer le style du siècle nouveau. Davantage que la différenciation stylistique (choix du vocabulaire de références), c'est le mode de traitement des références qui va individualiser l'édifice.
Les styles contradictoires de l'éclectisme sont ainsi destinés à se confronter, ces contrastes situant les édifices les uns par rapport aux autres.
Le philosophe Victor Cousin donne vers 1817 son sens moderne (de « système ») au terme éclectisme.
Selon le politicien Adolphe Thiers, l'éclectisme est « une direction de goût qui consiste à réunir les qualités d'écoles différentes pour en former un ensemble harmonieux. »
Il ajoutera plus tard: « C'est aussi, pour la critique, savoir apprécier et louer les qualités particulières et opposées de ces écoles. »
3. LE CONCEPT DE COMPOSITION
« L'architecture n'est plus la science des proportions justes mais le résultat de l'expérience et du raisonnement. »
J.-P. Epron
Dès 1815, à l'Académie des Beaux-Arts de Paris, qui se propose d'être un modèle institutionnel du « conflit éclectique », les élèves produisent tout au long de leur apprentissage des corpus de références. L'objet du travail d'analyse est de comprendre le principe, le fonctionnement, la construction, le style et la décoration des édifices, afin « de pouvoir les considérer comme des systèmes et, en fonction des circonstances, leur emprunter les éléments utiles pour des dispositifs nouveaux. »
Les édifices de référence sont analysés, par la pratique du dessin (une observation commandée par un but), et décomposés en éléments constructifs, fonctionnels et programmatiques.
Les éclectiques tirent de l'histoire non pas une théorie de l'architecture mais une théorie de la pratique du projet: il s'agit de faire référence à un modèle, de le déconstruire et le distordre, d'adapter ses éléments à la circonstance « en conciliant les exigences parfois contradictoires du programme ».
Se cristallise le concept de composition: aboutissement heureux d'une négociation difficile, suite de sacrifices, négociation réussie entre technique et références.
Le projet d'architecture se construit désormais sur la discussion permanente de la méthode (l'analyse), l'examen (l'interprétation) et l'expérience (ressenti réel de l'architecture).
4. UN DÉBAT TECHNIQUE
Les édifices de référence sont analysés, par la pratique du dessin (une observation commandée par un but), et décomposés en éléments constructifs, fonctionnels et programmatiques.
Les éclectiques tirent de l'histoire non pas une théorie de l'architecture mais une théorie de la pratique du projet: il s'agit de faire référence à un modèle, de le déconstruire et le distordre, d'adapter ses éléments à la circonstance « en conciliant les exigences parfois contradictoires du programme ».
Se cristallise le concept de composition: aboutissement heureux d'une négociation difficile, suite de sacrifices, négociation réussie entre technique et références.
Le projet d'architecture se construit désormais sur la discussion permanente de la méthode (l'analyse), l'examen (l'interprétation) et l'expérience (ressenti réel de l'architecture).
4. UN DÉBAT TECHNIQUE
« S'ils ne veulent pas voir la lumière, les architectes ont fini leur rôle ; celui des ingénieurs commence, c'est à dire le rôle des hommes adonnés à la construction. »
Viollet-le-Duc
Viollet-le-Duc prévoit le moment où les ingénieurs, dominant la pratique de la construction, supplanteront les architectes.
Pour redéfinir leur place dans le processus de construction, les architectes éclectiques s'imposent la résolution de différents problèmes posés par la construction. La question de l'estimation et de la maîtrise du coût de l'édifice est destinée à assurer leur indépendance vis-à-vis de l'entrepreneur. La question de la structure de l'édifice, de sa stabilité, et des possibilités de la réduire à un modèle, permet de lier intrinsèquement conception architecturale et structurelle, et promouvoir ainsi la plus-value de l'approche de l'architecte par rapport à la seule intervention de l'ingénieur.
Une étape d'importance dans cette (re)conquête provient d'une mesure administrative obtenue par l'architecte Rondelet: le droit d'établir le prix de l'édifice par forfait. Les architectes usant de cette disposition gagnent et engagent dès lors leur responsabilité technique. Ils peuvent proposer une description technique anticipée de l'édifice. Ils sont capables d'établir le prix de l'ouvrage par partie (de l'édifice) et non plus seulement par corps d'état, ce qui offre à la conception de l'architecture une nouvelle flexibilité (que ce soit par rapport à l'adaptabilité du plan, à celles des technologies employées, à la possibilité d'innovation technique, aux restrictions économiques, etc.).
5. ESPRIT DE LA CONSTRUCTION
L'esprit de la construction qui oriente le travail des éclectiques est à l'image des enseignements de Viollet-le-Duc. Ce dernier défend la rationalité de la démarche du constructeur: il prend pour modèle le métier des artisans du moyen âge, mettant en oeuvre un principe de résistances actives, c'est-à-dire un système d'équilibre. « Ils donnaient à chacune de ces matières qu'ils avaient à mettre en oeuvre la structure, la forme et la décoration qui pouvaient leur convenir. »
L'éclectisme rationaliste, en choisissant de rendre au regard, du moins en façades, les éléments constitutifs de sa structure, ne pouvait passer outre une discussion sur la signification de la construction.
La structure portante y est généralement un assemblage d'éléments taillés (pierre), coffrés (brique) ou moulés (fer), maçonnés au mortier à la chaux. L'ensemble représentant une construction/un système pratiquement démontable.
La structure ainsi révélée, la façade constitue un cours complet de construction: formes et matériaux renseignent du type et de la mesure des efforts qu'ils ont à absorber, des lieux particulièrement sollicités, les lits qu'ils dessinent témoignent de la stabilité de l'ensemble, des choix de répartition des efforts dans la matière, etc.
« [...] Au moyen de formes et de combinaisons, la matière seule, par le double effort de sa pesanteur et de sa résistance, vient composer les ensembles les plus stables, indépendamment de la force d'union du ciment qui ne prête qu'un faible secours aux constructions en pierre taillée; comment ensuite, par de sages dispositions, elle sait procurer une longue durée à des matières périssables, comment enfin, au milieu d'un système où tout est en action, rien cependant ne paraît fatigué à l'oeil, ni dans l'ensemble ni dans chacune de ses parties. »
6. NOTION DE VÉRITÉ
Le propos éclectique est rationnel et moraliste: il s'agit, par un traitement méthodique, d'approcher l'expression d'une vérité.
Si, au XIXe siècle, la notion morale de vérité n'est pas nouvelle dans le champ de l'architecture, l'objet sur lequel elle porte désormais a changé. L'angle principal de réflexion de l'architecture est passée d'un canon de proportions et de référence au goût à la question du traitement de la construction. L'architecture questionne le rapport qui la lie à ses propres conditions d'édification.
Pratiquement, la notion de vérité se traduit selon deux axes: elle appelle, d'une part, à l'expression de l'organisation structurelle et fonctionnelle, et d'autre part, à la recherche d'une efficacité structurelle. C'est l'efficacité du dispositif structurel choisi qui confère à la structure constructive, essence de l'édifice, sa valeur de vérité. Plus l'ensemble des solutions choisies forment un tout conceptuel, esthétique et technique cohérent, plus l'ouvrage créé s'approche de la pureté - cette idée de pureté n'ayant rien à voir avec un éventuel minimalisme esthétique.
« [Les éclectiques] s'obligent à composer des formes qui répondent à des matières, à des conditions, à des besoins logiquement définis. [...] Ils pensent que, sans repousser l'héritage légué par nos devanciers, quels qu'ils soient, on peut trouver des formes spécialement belles et rationnellement constituées. »
7. RECHERCHE (OU RENVERSEMENT) D'UN MODÈLE
Pour redéfinir leur place dans le processus de construction, les architectes éclectiques s'imposent la résolution de différents problèmes posés par la construction. La question de l'estimation et de la maîtrise du coût de l'édifice est destinée à assurer leur indépendance vis-à-vis de l'entrepreneur. La question de la structure de l'édifice, de sa stabilité, et des possibilités de la réduire à un modèle, permet de lier intrinsèquement conception architecturale et structurelle, et promouvoir ainsi la plus-value de l'approche de l'architecte par rapport à la seule intervention de l'ingénieur.
Une étape d'importance dans cette (re)conquête provient d'une mesure administrative obtenue par l'architecte Rondelet: le droit d'établir le prix de l'édifice par forfait. Les architectes usant de cette disposition gagnent et engagent dès lors leur responsabilité technique. Ils peuvent proposer une description technique anticipée de l'édifice. Ils sont capables d'établir le prix de l'ouvrage par partie (de l'édifice) et non plus seulement par corps d'état, ce qui offre à la conception de l'architecture une nouvelle flexibilité (que ce soit par rapport à l'adaptabilité du plan, à celles des technologies employées, à la possibilité d'innovation technique, aux restrictions économiques, etc.).
5. ESPRIT DE LA CONSTRUCTION
L'esprit de la construction qui oriente le travail des éclectiques est à l'image des enseignements de Viollet-le-Duc. Ce dernier défend la rationalité de la démarche du constructeur: il prend pour modèle le métier des artisans du moyen âge, mettant en oeuvre un principe de résistances actives, c'est-à-dire un système d'équilibre. « Ils donnaient à chacune de ces matières qu'ils avaient à mettre en oeuvre la structure, la forme et la décoration qui pouvaient leur convenir. »
L'éclectisme rationaliste, en choisissant de rendre au regard, du moins en façades, les éléments constitutifs de sa structure, ne pouvait passer outre une discussion sur la signification de la construction.
La structure portante y est généralement un assemblage d'éléments taillés (pierre), coffrés (brique) ou moulés (fer), maçonnés au mortier à la chaux. L'ensemble représentant une construction/un système pratiquement démontable.
La structure ainsi révélée, la façade constitue un cours complet de construction: formes et matériaux renseignent du type et de la mesure des efforts qu'ils ont à absorber, des lieux particulièrement sollicités, les lits qu'ils dessinent témoignent de la stabilité de l'ensemble, des choix de répartition des efforts dans la matière, etc.
« [...] Au moyen de formes et de combinaisons, la matière seule, par le double effort de sa pesanteur et de sa résistance, vient composer les ensembles les plus stables, indépendamment de la force d'union du ciment qui ne prête qu'un faible secours aux constructions en pierre taillée; comment ensuite, par de sages dispositions, elle sait procurer une longue durée à des matières périssables, comment enfin, au milieu d'un système où tout est en action, rien cependant ne paraît fatigué à l'oeil, ni dans l'ensemble ni dans chacune de ses parties. »
6. NOTION DE VÉRITÉ
Le propos éclectique est rationnel et moraliste: il s'agit, par un traitement méthodique, d'approcher l'expression d'une vérité.
Si, au XIXe siècle, la notion morale de vérité n'est pas nouvelle dans le champ de l'architecture, l'objet sur lequel elle porte désormais a changé. L'angle principal de réflexion de l'architecture est passée d'un canon de proportions et de référence au goût à la question du traitement de la construction. L'architecture questionne le rapport qui la lie à ses propres conditions d'édification.
Pratiquement, la notion de vérité se traduit selon deux axes: elle appelle, d'une part, à l'expression de l'organisation structurelle et fonctionnelle, et d'autre part, à la recherche d'une efficacité structurelle. C'est l'efficacité du dispositif structurel choisi qui confère à la structure constructive, essence de l'édifice, sa valeur de vérité. Plus l'ensemble des solutions choisies forment un tout conceptuel, esthétique et technique cohérent, plus l'ouvrage créé s'approche de la pureté - cette idée de pureté n'ayant rien à voir avec un éventuel minimalisme esthétique.
« [Les éclectiques] s'obligent à composer des formes qui répondent à des matières, à des conditions, à des besoins logiquement définis. [...] Ils pensent que, sans repousser l'héritage légué par nos devanciers, quels qu'ils soient, on peut trouver des formes spécialement belles et rationnellement constituées. »
7. RECHERCHE (OU RENVERSEMENT) D'UN MODÈLE
« L'éclectisme stylistique commence lorsque les architectes décident de laisser apparaître les linteaux en fer, ou de décorer les corbeaux en pierre recevant les pièces de charpente métallique, ou encore d'inventer les chéneaux et les gouttières, les ouvrages de zinc et de plomb qui accompagnent le projet, non pas comme des décors, mais comme l'expression même de la structure. »
J.-P. Epron
Pour argumenter et s'entretenir théoriquement de l'efficacité des structures, il faut pouvoir en proposer des représentations, les réduire à des modèles.
Le but n'est pas d'identifier un principe définitif de stabilité mais de théoriser des systèmes structurels existants. L'outil pédagogique ainsi constitué doit aider à comprendre ces systèmes et à s'en servir pour développer des structures nouvelles. L'invention du bâtiment à ossature découle directement de ces études.
Des décennies plus tard, la Glass House de Philip Johnson (1949) ou la Farnsworth House de Ludwig Mies van der Rohe (1951), emblèmes de l'architecture moderne, constitueront le prolongement radical (et donc l'aboutissement?) de ces recherches et aspirations.
« L'enjeu du débat consiste à définir une manière de représenter la stabilité qui soit spécifique à l'architecte, globale, intuitive, sensible, à définir un modèle qui puisse servir à concevoir et à innover, c'est-à-dire à contredire d'autres modèles. »
C'est en faisant entrer les études de structures dans l'enseignement, domaine détaché des conjonctures de la réalité, que les architectes d'alors prennent conscience que le savoir technique est avant toute chose une méthode de projet, et que cette méthode peut constituer une véritable pédagogie de l'innovation -à l'intérieur même d'une architecture en réflexion sur l'histoire.
A l'Académie, vers 1830, l'enseignement du projet en atelier inclut un cours de construction, enchérissant le cours officiel. A la même époque, l'Académie finit par admettre des ingénieurs-architectes pour professeurs de construction, tentant par là de retisser un lien avec la profession adverse.
L'enseignement de l'éclectisme technique a pour expression la plus aboutie le cours de l'ingénieur Arnaud, vers 1905. Il y explique à la fois la manière de concevoir un système et la manière de le décrire. Il démontre que la « rationalité de la conception est moins dans le fait de montrer la structure que dans la manière dont elle est adaptée aux contraintes du projet ».
« Il faut donc apprendre le juste et bon emploi des matériaux et juger de l'architecture par la connaissance des structures, plutôt que par référence au goût. »
8. CONTEXTE TECHNOLOGIQUE DES RECHERCHES
A la veille du XIXe siècle, une certaine stagnation des matériaux disponibles selon les régions limitait les bouleversement des mouvements architecturaux. C'est avec l'apparition de nouvelles technologies (matériau) liée au développement des sciences et de l'industrie (fabrication) que les activités se précipitent.
L'apparition de la fonte est une révolution: économique, efficace, elle est également reconnue esthétique puisque les éléments en bois de l'Art Nouveau l'imiteront. Le naturel imite l'artificiel. L'architecture est un art qui au delà de la question du style s'exprime dans sa technicité, réelle ou virtuelle.
On assiste pareillement au développement industriel de la chaux hydraulique (liant artificiel), à l'essor du béton (pierre agglomérée).
Le béton, encore non armé, ne signifie pas seulement économie ou imitation esthétique dégradante de la pierre comme on a tendance à le considérer dans certains cas d'architecture ou dans certains milieux aujourd'hui: il apporte à l'architecture la notion de surface, de coulée, de masse totale.
François Hennebique analyse la résistance du béton aux différents efforts et met sur le marché dès 1879 le ciment armé.
A l'époque éclectique, toutes les revues tiennent une chronique sur les matériaux, les outils et les procédés de construction, illustrées par des exemples, des dessins et des commentaires.
Lors de la deuxième moitié du XIXe siècle, que marque l'accomplissement du courant éclectique rationaliste, l'emploi de la brique va connaître un important regain. En effet, le courant rationaliste proclame son intérêt pour les valeurs esthétiques de « l'architecture pauvre ». Parallèlement, la pierre est -pour les nouveaux types de commande- devenue particulièrement coûteuse et reste connotée académique. De plus, la brique est un matériau qui propose une large gamme de propres dérivés décoratifs (terre cuite, céramique, grès, etc.). Elle est parfois mariée au fer, matériau coûteux réservé soit à d'impératives nécessités de structures ou de protection incendie, soit à une ornementation artisanale.
Pratiquement, les constructions quotidiennes ont recours à des technologies constructives qui sont celles de la tradition. L'exception vient des programmes particuliers (pavillons d'exposition, bâtiments industriels, édifices publics, immeuble de grande ampleur, etc.) où l'exploit notamment du fer peut s'illustrer, le plus souvent mis en oeuvre par des ingénieurs.
Il n'empêche qu'à la fin du siècle, les architectes éclectiques maîtrisent de façon générale toutes les techniques nouvelles et les ont introduites dans l'architecture en les rendant « classiques ».
9. UN ART NOUVEAU PARMI LES MODERNES
Viollet-le-Duc identifie l'impasse vers laquelle se dirigent les recherches éclectiques:“On ne peut faire ni gothique, ni classique, ou ne demander à ces styles que des emprunts absolument justifiés. Il devient bientôt certain que pour résoudre les problèmes actuels si impérieux, il faut tout créer à nouveau.”
Les excès décoratifs des architectes éclectiques avivent les critiques: le mouvement est jugé historiciste. Certains architectes, composant jusqu'alors les rangs éclectiques, se mettent à la recherche d'un style inédit, total.
Je rappelle ici que l'Art Nouveau est l'une des expressions particulières et radicales de l'éclectisme. Fondé sur les mêmes conditions philosophiques, poursuivant le même but d'exprimer les caractéristiques et innovations du siècle, il représente -parmi l'enlisement des tentatives éclectiques- une nouvelle tentative d'unité stylistique, indépendante, et aux manières très personnelles.
Son rapport rationaliste à la matière constructive, son goût du pittoresque, derrière le discours envahissant du vitalisme et de ses courbes, sont fidèles à l'esprit éclectique. « Sous l’impulsion des idées émancipatrices qui ont bouleversé tous les domaines de la pensée, l’art de bâtir s’est dégagé des liens traditionnels et des imitations stériles. »
La fraîcheur de ce langage inspiré pour une part de la nature marque les esprits.
H. Wieser et L. Grenier identifient clairement ce qui constitue du point de vue esthétique une continuité entre ces mouvements: « [...] La distinction entre éclectisme et Art Nouveau [...] nous paraît fallacieuse en ce qui concerne le décor (car la nouveauté de la stylistique est depuis bien longtemps préparée dans le néogothique de Viollet-le-Duc ou de William Morris – au point que l'on peut considérer l'Art Nouveau plutôt comme une conclusion que comme une renaissance!) »
Ils concluent: « [...] De la rupture de l'unité stylistique dans la période romantique, à sa récupération dans le langage moderne du XXe siècle, il nous paraît plus convenable de ne voir [...] qu'un seul mouvement, unissant sur trois générations les rationalistes de l'École Moderne sous le second empire, les éclectiques de la fin du siècle et les régionalistes issus de l'Art Nouveau au début de notre siècle. »
10. MODERNITÉ : UNE COUPURE DANS L'HISTOIRE
La mode du style Art Nouveau s'érode autour de 1910. Dans un cadre de nouvelle société de consommation, l'Art Nouveau sous toutes ses formes est produit a l'échelle industrielle : la grande diffusion engendre le phénomène de caste : il est devenu vulgaire. Sa vitalité se renouvelle dans l'Art Déco, promue par l'Exposition de Paris de 1925.
Au début du XXe siècle, les architectes abandonnent l'enseignement de l'histoire de l'architecture comme celui de la construction. La doctrine du Mouvement Moderne, en posant le principe de la table rase, a détournée la recherche des références architecturales pour la limiter aux formes qui expriment la vie moderne.
Les élèves architectes de l'Ecole des beaux-arts, de 1950 à 1968, sont éduqués dans l'idée qu'il y a d'un côté l'histoire de l'architecture et ses monuments, et de l'autre côté l'architecture moderne.
11. DE L'ORNEMENT
Le but n'est pas d'identifier un principe définitif de stabilité mais de théoriser des systèmes structurels existants. L'outil pédagogique ainsi constitué doit aider à comprendre ces systèmes et à s'en servir pour développer des structures nouvelles. L'invention du bâtiment à ossature découle directement de ces études.
Des décennies plus tard, la Glass House de Philip Johnson (1949) ou la Farnsworth House de Ludwig Mies van der Rohe (1951), emblèmes de l'architecture moderne, constitueront le prolongement radical (et donc l'aboutissement?) de ces recherches et aspirations.
« L'enjeu du débat consiste à définir une manière de représenter la stabilité qui soit spécifique à l'architecte, globale, intuitive, sensible, à définir un modèle qui puisse servir à concevoir et à innover, c'est-à-dire à contredire d'autres modèles. »
C'est en faisant entrer les études de structures dans l'enseignement, domaine détaché des conjonctures de la réalité, que les architectes d'alors prennent conscience que le savoir technique est avant toute chose une méthode de projet, et que cette méthode peut constituer une véritable pédagogie de l'innovation -à l'intérieur même d'une architecture en réflexion sur l'histoire.
A l'Académie, vers 1830, l'enseignement du projet en atelier inclut un cours de construction, enchérissant le cours officiel. A la même époque, l'Académie finit par admettre des ingénieurs-architectes pour professeurs de construction, tentant par là de retisser un lien avec la profession adverse.
L'enseignement de l'éclectisme technique a pour expression la plus aboutie le cours de l'ingénieur Arnaud, vers 1905. Il y explique à la fois la manière de concevoir un système et la manière de le décrire. Il démontre que la « rationalité de la conception est moins dans le fait de montrer la structure que dans la manière dont elle est adaptée aux contraintes du projet ».
« Il faut donc apprendre le juste et bon emploi des matériaux et juger de l'architecture par la connaissance des structures, plutôt que par référence au goût. »
8. CONTEXTE TECHNOLOGIQUE DES RECHERCHES
A la veille du XIXe siècle, une certaine stagnation des matériaux disponibles selon les régions limitait les bouleversement des mouvements architecturaux. C'est avec l'apparition de nouvelles technologies (matériau) liée au développement des sciences et de l'industrie (fabrication) que les activités se précipitent.
L'apparition de la fonte est une révolution: économique, efficace, elle est également reconnue esthétique puisque les éléments en bois de l'Art Nouveau l'imiteront. Le naturel imite l'artificiel. L'architecture est un art qui au delà de la question du style s'exprime dans sa technicité, réelle ou virtuelle.
On assiste pareillement au développement industriel de la chaux hydraulique (liant artificiel), à l'essor du béton (pierre agglomérée).
Le béton, encore non armé, ne signifie pas seulement économie ou imitation esthétique dégradante de la pierre comme on a tendance à le considérer dans certains cas d'architecture ou dans certains milieux aujourd'hui: il apporte à l'architecture la notion de surface, de coulée, de masse totale.
François Hennebique analyse la résistance du béton aux différents efforts et met sur le marché dès 1879 le ciment armé.
A l'époque éclectique, toutes les revues tiennent une chronique sur les matériaux, les outils et les procédés de construction, illustrées par des exemples, des dessins et des commentaires.
Lors de la deuxième moitié du XIXe siècle, que marque l'accomplissement du courant éclectique rationaliste, l'emploi de la brique va connaître un important regain. En effet, le courant rationaliste proclame son intérêt pour les valeurs esthétiques de « l'architecture pauvre ». Parallèlement, la pierre est -pour les nouveaux types de commande- devenue particulièrement coûteuse et reste connotée académique. De plus, la brique est un matériau qui propose une large gamme de propres dérivés décoratifs (terre cuite, céramique, grès, etc.). Elle est parfois mariée au fer, matériau coûteux réservé soit à d'impératives nécessités de structures ou de protection incendie, soit à une ornementation artisanale.
Pratiquement, les constructions quotidiennes ont recours à des technologies constructives qui sont celles de la tradition. L'exception vient des programmes particuliers (pavillons d'exposition, bâtiments industriels, édifices publics, immeuble de grande ampleur, etc.) où l'exploit notamment du fer peut s'illustrer, le plus souvent mis en oeuvre par des ingénieurs.
Il n'empêche qu'à la fin du siècle, les architectes éclectiques maîtrisent de façon générale toutes les techniques nouvelles et les ont introduites dans l'architecture en les rendant « classiques ».
9. UN ART NOUVEAU PARMI LES MODERNES
Viollet-le-Duc identifie l'impasse vers laquelle se dirigent les recherches éclectiques:“On ne peut faire ni gothique, ni classique, ou ne demander à ces styles que des emprunts absolument justifiés. Il devient bientôt certain que pour résoudre les problèmes actuels si impérieux, il faut tout créer à nouveau.”
Les excès décoratifs des architectes éclectiques avivent les critiques: le mouvement est jugé historiciste. Certains architectes, composant jusqu'alors les rangs éclectiques, se mettent à la recherche d'un style inédit, total.
Je rappelle ici que l'Art Nouveau est l'une des expressions particulières et radicales de l'éclectisme. Fondé sur les mêmes conditions philosophiques, poursuivant le même but d'exprimer les caractéristiques et innovations du siècle, il représente -parmi l'enlisement des tentatives éclectiques- une nouvelle tentative d'unité stylistique, indépendante, et aux manières très personnelles.
Son rapport rationaliste à la matière constructive, son goût du pittoresque, derrière le discours envahissant du vitalisme et de ses courbes, sont fidèles à l'esprit éclectique. « Sous l’impulsion des idées émancipatrices qui ont bouleversé tous les domaines de la pensée, l’art de bâtir s’est dégagé des liens traditionnels et des imitations stériles. »
La fraîcheur de ce langage inspiré pour une part de la nature marque les esprits.
H. Wieser et L. Grenier identifient clairement ce qui constitue du point de vue esthétique une continuité entre ces mouvements: « [...] La distinction entre éclectisme et Art Nouveau [...] nous paraît fallacieuse en ce qui concerne le décor (car la nouveauté de la stylistique est depuis bien longtemps préparée dans le néogothique de Viollet-le-Duc ou de William Morris – au point que l'on peut considérer l'Art Nouveau plutôt comme une conclusion que comme une renaissance!) »
Ils concluent: « [...] De la rupture de l'unité stylistique dans la période romantique, à sa récupération dans le langage moderne du XXe siècle, il nous paraît plus convenable de ne voir [...] qu'un seul mouvement, unissant sur trois générations les rationalistes de l'École Moderne sous le second empire, les éclectiques de la fin du siècle et les régionalistes issus de l'Art Nouveau au début de notre siècle. »
10. MODERNITÉ : UNE COUPURE DANS L'HISTOIRE
La mode du style Art Nouveau s'érode autour de 1910. Dans un cadre de nouvelle société de consommation, l'Art Nouveau sous toutes ses formes est produit a l'échelle industrielle : la grande diffusion engendre le phénomène de caste : il est devenu vulgaire. Sa vitalité se renouvelle dans l'Art Déco, promue par l'Exposition de Paris de 1925.
Au début du XXe siècle, les architectes abandonnent l'enseignement de l'histoire de l'architecture comme celui de la construction. La doctrine du Mouvement Moderne, en posant le principe de la table rase, a détournée la recherche des références architecturales pour la limiter aux formes qui expriment la vie moderne.
Les élèves architectes de l'Ecole des beaux-arts, de 1950 à 1968, sont éduqués dans l'idée qu'il y a d'un côté l'histoire de l'architecture et ses monuments, et de l'autre côté l'architecture moderne.
11. DE L'ORNEMENT
« Au fond, les belles constructions d’architecture, ce sont des forteresses auxquelles on adjoint quelques fioritures. »
Jean Giono
La notion d'ornement, par antagonisme a priori et par le tri utilitariste que la pensée moderniste impose, renvoie à celle de fonctionnalité.
On se limite généralement aujourd'hui à définir la fonction d'un immeuble par le besoin physique des usagers auquel l'immeuble se propose de subvenir.
Traditionnellement, la notion de fonctionnalité englobe également les éléments nécessaires pour créer et maintenir la structure physique de l'édifice.
Une autre définition de la fonctionnalité établit la distinction entre nécessité structurale et ornementation.
L'abbé Marc Antoine Laugier, reconsidérant la première demeure de l'Homme, dégage des constantes dans la construction et établit un principe pour distinguer les éléments essentiels de ceux qui ne le sont pas. « Il est facile désormais de distinguer les parties qui entrent essentiellement dans la composition d'un ordre d'Architecture, d'avec celles qui ne s'y sont introduites que par besoin, ou qui n'y ont été ajoutées, que par caprice. »
Il ajoute: « C'est dans les parties essentielles que consistent toutes les beautés; dans les parties introduites par besoin consistent toutes les licences; dans les parties ajoutées par caprice consistent tous les défauts. »
Chez les éclectiques, l'ornement est soit un motif qui agrémente l'élément porteur auquel il s'applique sans le dissimuler, soit provient de la composition générale qui joue des couleurs, des textures et des formes des matériaux employés à l'édification, soit naît des possibilités de remplissages offertes par les parties non-porteuses des façades. Ces motifs sont généralement empruntés à l'architecture byzantine, grecque, gothique, romane ou renaissante, et réinterprétés.
On trouve des édifices où, exception faite des jeux codés de la corniche, les matériaux composant les façade ne sont pas utilisés en tant que support d'éléments décoratifs complémentaires/ne subissent aucun « aménagement » esthétique: soubassements, seuils, saillies, renforts aux angles, arcs de décharge, poutres de ceinture, dés, etc. et la variété de matériaux qui remplissent ces fonctions, accusent en effet un rôle purement structurel.
Le caractère ornemental que l'on remarque à l'ensemble provient de l'art avec lequel les éléments sont dessinés et réalisés, de leur diversité -qui produit une impression de motifs-, et du choix fondamental de les rendre visibles.
Cette conception rappelle la vision de l'ornement de F. L. Wright, qui définit « l’ornement intégral » comme « la manifestation de l'organisation structurelle même ». Ainsi, des structures réussies s’organisent de façon telle que les détails dits ornementaux concourent à la construction.
Pour Adolf Loos, les architectes éclectiques partent d'une interprétation erronée de la situation: la crise de l'ornement qui frappait le XIXe siècle ne témoignait pas pour autant d'une absence de style (« le vrai style, nous l'avions déjà, mais nous n'avions pas d'ornement »).
Là où l'on oppose fonction et ornement, il réfléchit le produit architecture comme résultant d'un nouveau couple: l'effet d'espace, réglé par l'architecte ou maître bâtisseur, et la conception technique, gérée par un artisan spécialiste du matériau choisi (charpentier, maçon, tailleur de pierre, stuccateur, etc.).
Vitruve, lorsqu'il aborde la question de l'ornement, distingue déjà le rôle de l’entrepreneur de celui de l’artiste. Le premier a pour mission de « dresser les colonnes, de poser les poutres, permettant au second, à l’artiste, de simplement éliminer les inégalités et de créer une surface harmonieuse ».
Ce contre quoi Adolf Loos s'insurge, ce sont à la fois les variations historicistes de l'éclectisme, détachées de l'enseignement constructif rationnel de Viollet-le-Duc, et la perdurance de ce style "ancien régime" dans le nouveau XXe siècle: « L'ornement créé actuellement n'a pas de rapport avec nous [...]. » Il appelle à « [une architecture moderne] débarrassée de ses portes monumentalisées, de ses cariatides ne supportant plus rien [...]. »
A la suite de Viollet-le-Duc qui avait ouvert le débat de la séparation entre art et architecture, Loos affirme que l'architecture séparée de l'art (c'est-à-dire de la production d'ornements) doit composer -et être appréciée pour- sa propre beauté.
La nécessité (la rationalité) peut élaborer son esthétique propre: géométrie des matériaux de construction bruts, sans placage et ornements, et lisibilité de la structure devenue apparente.
Le dépouillement est le stade avancé de la culture, (« L'ornement, nous l'avons surmonté [...] ») et l'abandon de l'ornement est nécessaire à l'évolution économique de la société. Economies décorative et financière se trouvent ainsi, pour Loos, directement reliées.
Il rappelle : « [...] je suis seulement l'adversaire de l'ornement dit moderne et de tous matériaux imités. »
C'est une injonction à ce que l'architecture se place en dialogue étroit avec les caractéristiques plastiques des matériaux auxquels elle a -ne serait-ce que fonctionnellement- recourt.
12. L'INDUSTRIE
On se limite généralement aujourd'hui à définir la fonction d'un immeuble par le besoin physique des usagers auquel l'immeuble se propose de subvenir.
Traditionnellement, la notion de fonctionnalité englobe également les éléments nécessaires pour créer et maintenir la structure physique de l'édifice.
Une autre définition de la fonctionnalité établit la distinction entre nécessité structurale et ornementation.
L'abbé Marc Antoine Laugier, reconsidérant la première demeure de l'Homme, dégage des constantes dans la construction et établit un principe pour distinguer les éléments essentiels de ceux qui ne le sont pas. « Il est facile désormais de distinguer les parties qui entrent essentiellement dans la composition d'un ordre d'Architecture, d'avec celles qui ne s'y sont introduites que par besoin, ou qui n'y ont été ajoutées, que par caprice. »
Il ajoute: « C'est dans les parties essentielles que consistent toutes les beautés; dans les parties introduites par besoin consistent toutes les licences; dans les parties ajoutées par caprice consistent tous les défauts. »
Chez les éclectiques, l'ornement est soit un motif qui agrémente l'élément porteur auquel il s'applique sans le dissimuler, soit provient de la composition générale qui joue des couleurs, des textures et des formes des matériaux employés à l'édification, soit naît des possibilités de remplissages offertes par les parties non-porteuses des façades. Ces motifs sont généralement empruntés à l'architecture byzantine, grecque, gothique, romane ou renaissante, et réinterprétés.
On trouve des édifices où, exception faite des jeux codés de la corniche, les matériaux composant les façade ne sont pas utilisés en tant que support d'éléments décoratifs complémentaires/ne subissent aucun « aménagement » esthétique: soubassements, seuils, saillies, renforts aux angles, arcs de décharge, poutres de ceinture, dés, etc. et la variété de matériaux qui remplissent ces fonctions, accusent en effet un rôle purement structurel.
Le caractère ornemental que l'on remarque à l'ensemble provient de l'art avec lequel les éléments sont dessinés et réalisés, de leur diversité -qui produit une impression de motifs-, et du choix fondamental de les rendre visibles.
Cette conception rappelle la vision de l'ornement de F. L. Wright, qui définit « l’ornement intégral » comme « la manifestation de l'organisation structurelle même ». Ainsi, des structures réussies s’organisent de façon telle que les détails dits ornementaux concourent à la construction.
Pour Adolf Loos, les architectes éclectiques partent d'une interprétation erronée de la situation: la crise de l'ornement qui frappait le XIXe siècle ne témoignait pas pour autant d'une absence de style (« le vrai style, nous l'avions déjà, mais nous n'avions pas d'ornement »).
Là où l'on oppose fonction et ornement, il réfléchit le produit architecture comme résultant d'un nouveau couple: l'effet d'espace, réglé par l'architecte ou maître bâtisseur, et la conception technique, gérée par un artisan spécialiste du matériau choisi (charpentier, maçon, tailleur de pierre, stuccateur, etc.).
Vitruve, lorsqu'il aborde la question de l'ornement, distingue déjà le rôle de l’entrepreneur de celui de l’artiste. Le premier a pour mission de « dresser les colonnes, de poser les poutres, permettant au second, à l’artiste, de simplement éliminer les inégalités et de créer une surface harmonieuse ».
Ce contre quoi Adolf Loos s'insurge, ce sont à la fois les variations historicistes de l'éclectisme, détachées de l'enseignement constructif rationnel de Viollet-le-Duc, et la perdurance de ce style "ancien régime" dans le nouveau XXe siècle: « L'ornement créé actuellement n'a pas de rapport avec nous [...]. » Il appelle à « [une architecture moderne] débarrassée de ses portes monumentalisées, de ses cariatides ne supportant plus rien [...]. »
A la suite de Viollet-le-Duc qui avait ouvert le débat de la séparation entre art et architecture, Loos affirme que l'architecture séparée de l'art (c'est-à-dire de la production d'ornements) doit composer -et être appréciée pour- sa propre beauté.
La nécessité (la rationalité) peut élaborer son esthétique propre: géométrie des matériaux de construction bruts, sans placage et ornements, et lisibilité de la structure devenue apparente.
Le dépouillement est le stade avancé de la culture, (« L'ornement, nous l'avons surmonté [...] ») et l'abandon de l'ornement est nécessaire à l'évolution économique de la société. Economies décorative et financière se trouvent ainsi, pour Loos, directement reliées.
Il rappelle : « [...] je suis seulement l'adversaire de l'ornement dit moderne et de tous matériaux imités. »
C'est une injonction à ce que l'architecture se place en dialogue étroit avec les caractéristiques plastiques des matériaux auxquels elle a -ne serait-ce que fonctionnellement- recourt.
12. L'INDUSTRIE
« En soumettant l'architecture à l'industrie, les architectes du mouvement moderne ont renoncé au premier principe de l'éclectisme: présider le débat sur la technique constructive. »
J.-P. Epron
Charles Garnier met en évidence le fait que c'est dans un certain sens de la contextualisation que se trouve une partie du génie de l'éclectisme. «Le mauvais éclectisme c'est l'éclectisme international, quand les mêmes clichés de composition se répandent dans chaque nation, les mêmes matériaux s'emploient dans toutes les cités, en retirant ainsi à l'architecture son « caractère primordial [original] et rationnel [contextualisé] »
Cette inquiétude annonce avant l'heure l'essor des Temps Nouveaux, des modèles du modernisme diffusés à travers le monde entier, vantant des constructions économiques à l'infini.
« La science des nombres liée aux religions et aux pratiques sociales ancestrales disparaissait pour n'être limitée que par les possibilités techniques du moment. »
13. PRÉFABRICATION
On trouve déjà l'idée de préfabrication de l'habitat dans les écrits de Philibert de l'Orme (1510-1570) : il propose un assemblage de lattes qui compose des fermes d'une grande portée. En choisissant de publier ce dessin, dont il n'est peut-être pas l'inventeur, il affirme l'aspect économique de la procédure.
Ces principes subiront un déploiement fulgurant au XIXe siècle. L'intérêt suscité par l'industrialisation de la construction est notamment lié au phénomène d'exportation de bâtiments à destination des colonies.
14. UNIFICATION ET QUÊTE DE NORMALITÉ
Jean-Baptiste Say, en 1819, ira plus loin: il faut selon lui agir directement sur les goûts des consommateurs et en exterminer la variabilité, laquelle s'oppose à toute idée d'économie.
« Un menuiser [...] qui fait dans son atelier des tables, des croisées, des portes, des meubles de tout genre, donne à ces objets des formes qui varient au gré de son caprice ou à celui du consommateur, souvent même d'après les pièces de bois dont [...] il veut tirer parti. Si nous supposons maintenant qu'il y ait des grandes fabriques séparées pour chacun de ces objets en particulier, il est certain qu'une douzaine de variétés pour les dimensions, une douzaine de variétés pour le luxe, suffiront amplement à tous les besoins comme à tous les goûts [...]. »
Il nomme l'idée de production industrielle de composants normalisés « étalonnage en manufactures », ce qui signifie travailler à partir d'un étalon.
W. Gropius ajoutera plus tard: « L'unification des composants architecturales aurait l'effet salutaire de conférer à nos villes un caractère homogène, marque distinctive d'une culture urbaine supérieure. »
La capacité d'unification, de normalisation, est liée à l'idée d'indépendance. Ainsi, Le Corbusier affirme que, pour l'architecture liée à la production industrielle, forcément dense, « le terrain plat est le terrain idéal, [lequel fournit des] situations normales. »
S. Dali, en 1955, donne son appréciation de l'art moderne: « Les conséquences de "l'Art moderne" aujourd'hui, c'est qu'on est arrivé au maximum de rationalisation et au maximum de scepticisme.[...] il est tout à fait normal que quand on ne croit à rien, on finisse par ne peindre à peu près rien. »
15. ACCÉLÉRATION ET NORMALISATION
Cette inquiétude annonce avant l'heure l'essor des Temps Nouveaux, des modèles du modernisme diffusés à travers le monde entier, vantant des constructions économiques à l'infini.
« La science des nombres liée aux religions et aux pratiques sociales ancestrales disparaissait pour n'être limitée que par les possibilités techniques du moment. »
13. PRÉFABRICATION
On trouve déjà l'idée de préfabrication de l'habitat dans les écrits de Philibert de l'Orme (1510-1570) : il propose un assemblage de lattes qui compose des fermes d'une grande portée. En choisissant de publier ce dessin, dont il n'est peut-être pas l'inventeur, il affirme l'aspect économique de la procédure.
Ces principes subiront un déploiement fulgurant au XIXe siècle. L'intérêt suscité par l'industrialisation de la construction est notamment lié au phénomène d'exportation de bâtiments à destination des colonies.
14. UNIFICATION ET QUÊTE DE NORMALITÉ
Jean-Baptiste Say, en 1819, ira plus loin: il faut selon lui agir directement sur les goûts des consommateurs et en exterminer la variabilité, laquelle s'oppose à toute idée d'économie.
« Un menuiser [...] qui fait dans son atelier des tables, des croisées, des portes, des meubles de tout genre, donne à ces objets des formes qui varient au gré de son caprice ou à celui du consommateur, souvent même d'après les pièces de bois dont [...] il veut tirer parti. Si nous supposons maintenant qu'il y ait des grandes fabriques séparées pour chacun de ces objets en particulier, il est certain qu'une douzaine de variétés pour les dimensions, une douzaine de variétés pour le luxe, suffiront amplement à tous les besoins comme à tous les goûts [...]. »
Il nomme l'idée de production industrielle de composants normalisés « étalonnage en manufactures », ce qui signifie travailler à partir d'un étalon.
W. Gropius ajoutera plus tard: « L'unification des composants architecturales aurait l'effet salutaire de conférer à nos villes un caractère homogène, marque distinctive d'une culture urbaine supérieure. »
La capacité d'unification, de normalisation, est liée à l'idée d'indépendance. Ainsi, Le Corbusier affirme que, pour l'architecture liée à la production industrielle, forcément dense, « le terrain plat est le terrain idéal, [lequel fournit des] situations normales. »
S. Dali, en 1955, donne son appréciation de l'art moderne: « Les conséquences de "l'Art moderne" aujourd'hui, c'est qu'on est arrivé au maximum de rationalisation et au maximum de scepticisme.[...] il est tout à fait normal que quand on ne croit à rien, on finisse par ne peindre à peu près rien. »
15. ACCÉLÉRATION ET NORMALISATION
« C'est une banalité de dire que toute répétition des mêmes choses pour les mêmes buts exerce une influence stabilisatrice et civilisatrice sur l'esprit des hommes. »
Walter Gropius
Le phénomène d'industrialisation du bâtiment s'épanouit à la période de rayonnement des fonderies: « Le fait caractéristique de notre époque, c'est la formation de grands centres industriels [...] C'est là que l'architecture doit chercher sa formule à venir. »
Dès 1820, on assiste à la diffusion d'épais catalogues, proposant aussi bien des pièces minuscules, que des éléments d'ornements, des façades entières, des colonnes, des fontaines, des chapiteaux, etc.
A partir des années 1850, on peut parler d'une réelle propagation généralisée de l'univers industriel dans le bâtiment. L'accélération des productions réalisée dès la fin du XVIIIe siècle grâce à la machine de Watt atteint les chantiers.
En Allemagne, on dénonce le gaspillage du bois de construction dont on craint la raréfaction: il faut revenir aux techniques éprouvées (la brique, le pisé) et révolutionnaires (la fonte, le ciment).
Le début du siècle est une intense période de normalisation: on publie de nombreuses directives sur l'emploi des matériaux.
En 1917, l'état allemand, dans sa politique interventionniste d'effort de guerre, va jusqu'à faire diminuer le nombre de profilés produits pour le marché.
En 1936, en période de triomphe du nazisme, Ernest Neufert publie la première édition de son best-seller de normalisation.
Dans les années 1940, la normalisation dimensionnelle des éléments de la construction s'étend aux portes, fenêtres, etc. Les produits hors normes sont facturés 10% plus chers. Par cette mesure, les stocks se réduisent, l'entreprise se fait plus mobile.
Pourtant, l'industrialisation de produits simples engendre peu de valeur ajoutée, donc peu de bénéfices. La concurrence avec les pays à revenus plus faibles aura raison de cette production industrielle ordinaire.
L'industrie va devoir (re)complexifier ses objets (par exemple, pour les portes: coupe-feu, isolantes, insonorisantes, anti-effractions, etc.)
Cet enrichissement des produits engendre un paradoxe (par rapport à l'esprit d'efficacité et d'économie qui animait les premiers développements de l'industrie): plus les matériaux et produits sont définis, c'est-à-dire, moins ils sont susceptibles d'adaptation, de découpage, de collage, etc., plus la gamme doit être étendue, les stocks importants, les chutes et les gaspillages pour les entreprises du bâtiment nombreux.
16. LA NOTION DE BRICOLAGE
Adolf Loos écrit: « L'homme [...] qui vit dans une maison où rien ne peut plus changer est un homme mort. »
Certaines architectures permettent plus que d'autres l'adaptation, la transformation. De même, certaines conceptions d'architectures envisagent davantage l'objet produit comme un élément total, complet et indépendant, d'autres se permettant d'y établir une part consciente d'inachevé.
À l'époque éclectique, F. De Saussure note l'importance de l'échelle dans cette possibilité d'appropriation que permet ou non l'architecture.
L'industrialisation est soit « ouverte »: elle porte sur des éléments dont l'échelle, vis-à-vis de l'échelle humaine, permet toujours la diversité (par exemple la brique), soit « fermée » (par exemple l'image du casier à bouteilles de Le Corbusier: des cellules de logements identiques sont installées dans une trame de façon irrégulière).
Il illustre cette idée d'industrialisation ouverte avec le phénomène de réutilisation des vestiges antiques par l'architecture romaine italienne (spolia), qui constitue un acte de récupération, de bricolage.
17. CHANTIERS MODERNES
Dès 1820, on assiste à la diffusion d'épais catalogues, proposant aussi bien des pièces minuscules, que des éléments d'ornements, des façades entières, des colonnes, des fontaines, des chapiteaux, etc.
A partir des années 1850, on peut parler d'une réelle propagation généralisée de l'univers industriel dans le bâtiment. L'accélération des productions réalisée dès la fin du XVIIIe siècle grâce à la machine de Watt atteint les chantiers.
En Allemagne, on dénonce le gaspillage du bois de construction dont on craint la raréfaction: il faut revenir aux techniques éprouvées (la brique, le pisé) et révolutionnaires (la fonte, le ciment).
Le début du siècle est une intense période de normalisation: on publie de nombreuses directives sur l'emploi des matériaux.
En 1917, l'état allemand, dans sa politique interventionniste d'effort de guerre, va jusqu'à faire diminuer le nombre de profilés produits pour le marché.
En 1936, en période de triomphe du nazisme, Ernest Neufert publie la première édition de son best-seller de normalisation.
Dans les années 1940, la normalisation dimensionnelle des éléments de la construction s'étend aux portes, fenêtres, etc. Les produits hors normes sont facturés 10% plus chers. Par cette mesure, les stocks se réduisent, l'entreprise se fait plus mobile.
Pourtant, l'industrialisation de produits simples engendre peu de valeur ajoutée, donc peu de bénéfices. La concurrence avec les pays à revenus plus faibles aura raison de cette production industrielle ordinaire.
L'industrie va devoir (re)complexifier ses objets (par exemple, pour les portes: coupe-feu, isolantes, insonorisantes, anti-effractions, etc.)
Cet enrichissement des produits engendre un paradoxe (par rapport à l'esprit d'efficacité et d'économie qui animait les premiers développements de l'industrie): plus les matériaux et produits sont définis, c'est-à-dire, moins ils sont susceptibles d'adaptation, de découpage, de collage, etc., plus la gamme doit être étendue, les stocks importants, les chutes et les gaspillages pour les entreprises du bâtiment nombreux.
16. LA NOTION DE BRICOLAGE
Adolf Loos écrit: « L'homme [...] qui vit dans une maison où rien ne peut plus changer est un homme mort. »
Certaines architectures permettent plus que d'autres l'adaptation, la transformation. De même, certaines conceptions d'architectures envisagent davantage l'objet produit comme un élément total, complet et indépendant, d'autres se permettant d'y établir une part consciente d'inachevé.
À l'époque éclectique, F. De Saussure note l'importance de l'échelle dans cette possibilité d'appropriation que permet ou non l'architecture.
L'industrialisation est soit « ouverte »: elle porte sur des éléments dont l'échelle, vis-à-vis de l'échelle humaine, permet toujours la diversité (par exemple la brique), soit « fermée » (par exemple l'image du casier à bouteilles de Le Corbusier: des cellules de logements identiques sont installées dans une trame de façon irrégulière).
Il illustre cette idée d'industrialisation ouverte avec le phénomène de réutilisation des vestiges antiques par l'architecture romaine italienne (spolia), qui constitue un acte de récupération, de bricolage.
17. CHANTIERS MODERNES
«Un nouvel esprit est né: c’est un esprit de la construction et de la synthèse [...]. Une grande période a commencé.»
Le Corbusier
L'industrie devient, au XXe siècle, un étalon architectural.
Il faut réduire la variabilité, faire du chantier un processus stable.
La procédure doit se tayloriser et le chantier devenir une usine.
Le travail complexe, qualifié, est décomposé en tâches simples, répétitives et contrôlables, s'appliquant à des matériaux entièrement manufacturés.
Du chantier comme lieu d'artisanat, de façonnage, on passe à l'idée d'un atelier de montage, qui ne requiert plus des ouvriers que le geste de pose.
La transfiguration de l'image du chantier en usine se réalise également au niveau des mesures prises pour satisfaire les conditions de grand rendement: on le clôture (surveillance), on l'éclaire (pas d'arrêts), on le couvre (protection des intempéries), on y prévoit des installations sanitaires, etc.
Ce déplacement du lieu de la conception architecturale est évoquée à mainte reprise par des architectes modernistes.
Pour Jean Prouvé, concepteur du premier bâtiment français préfabriqué à mur rideau et ossature métallique, le rapprochement entre architecture et production industrielle est une opportunité rare offerte aux bâtisseurs: une « agence d'architecture n'est concevable que dans l'usine de fabrication des matériaux »: c'est le seul moyen de s'assurer le contrôle parfait du détail.
Dès les années 1960', les ouvriers d'un chantier, qui auparavant occupaient des postes, deviennent interchangeables.
Ce changement a eu pour effet une certaine déresponsabilisation des travailleurs: au lieu de développer un champs d'action (expérience, initiative), l'ouvrier remplit une fonction précise, concise, détachée du projet total, de ses suites.
Le maçon de métier d'hier qui était capable d'édifier, avec des matériaux et outils variés, la structure porteuse du bâtiment est remplacé par une série d'ouvriers professionnels : coffreur, ferrailleur, plâtrier, poseur d'éléments préfabriqués, etc. qui ne domine pas la globalité du procès de travail
La diminution de la qualification requise par les emplois conduit à long terme à une déqualification
des travailleurs.
Or, un chantier possède une part irréductible de processus variables, et la variabilité suppose que la main d'oeuvre sache s'adapter.
Ce constat constitue le deuxième paradoxe (ou du moins vient nuancer) de la production industrielle des éléments de l'habitat qui se donne pour objectif la parfaite efficacité du travail.
Viollet-le-Duc rappelle: « L'architecte ne dirige pas seulement le travail des hommes de métier, il travaille avec eux. [...] La leçon constructive contient un enseignement social ».
L'architecte Patrick Bouchain défend quant à lui la solution de la dénormalisation du domaine de la construction: c'est à ce prix que l'architecture pourra répondre aux enjeux sociaux qui lui sont actuellement posés. Il ajoute: « Le chantier est un moment social, un facteur d'intégration. »
La loi française sur l'architecture de 1977 énonce: « La direction de travaux, et surtout la coordination des interventions de techniciens multiples qui caractérisent les chantiers de notre époque, tend à devenir une fonction particulière assurée par des professionnels spécialisés en cette matière ».
Cette évolution consiste à faire disparaître du projet architectural toute conception technique et, par conséquent, à dépouiller l'architecte de toute autorité sur les techniciens.
18. IMPACT CONCEPTUEL
Il faut réduire la variabilité, faire du chantier un processus stable.
La procédure doit se tayloriser et le chantier devenir une usine.
Le travail complexe, qualifié, est décomposé en tâches simples, répétitives et contrôlables, s'appliquant à des matériaux entièrement manufacturés.
Du chantier comme lieu d'artisanat, de façonnage, on passe à l'idée d'un atelier de montage, qui ne requiert plus des ouvriers que le geste de pose.
La transfiguration de l'image du chantier en usine se réalise également au niveau des mesures prises pour satisfaire les conditions de grand rendement: on le clôture (surveillance), on l'éclaire (pas d'arrêts), on le couvre (protection des intempéries), on y prévoit des installations sanitaires, etc.
Ce déplacement du lieu de la conception architecturale est évoquée à mainte reprise par des architectes modernistes.
Pour Jean Prouvé, concepteur du premier bâtiment français préfabriqué à mur rideau et ossature métallique, le rapprochement entre architecture et production industrielle est une opportunité rare offerte aux bâtisseurs: une « agence d'architecture n'est concevable que dans l'usine de fabrication des matériaux »: c'est le seul moyen de s'assurer le contrôle parfait du détail.
Dès les années 1960', les ouvriers d'un chantier, qui auparavant occupaient des postes, deviennent interchangeables.
Ce changement a eu pour effet une certaine déresponsabilisation des travailleurs: au lieu de développer un champs d'action (expérience, initiative), l'ouvrier remplit une fonction précise, concise, détachée du projet total, de ses suites.
Le maçon de métier d'hier qui était capable d'édifier, avec des matériaux et outils variés, la structure porteuse du bâtiment est remplacé par une série d'ouvriers professionnels : coffreur, ferrailleur, plâtrier, poseur d'éléments préfabriqués, etc. qui ne domine pas la globalité du procès de travail
La diminution de la qualification requise par les emplois conduit à long terme à une déqualification
des travailleurs.
Or, un chantier possède une part irréductible de processus variables, et la variabilité suppose que la main d'oeuvre sache s'adapter.
Ce constat constitue le deuxième paradoxe (ou du moins vient nuancer) de la production industrielle des éléments de l'habitat qui se donne pour objectif la parfaite efficacité du travail.
Viollet-le-Duc rappelle: « L'architecte ne dirige pas seulement le travail des hommes de métier, il travaille avec eux. [...] La leçon constructive contient un enseignement social ».
L'architecte Patrick Bouchain défend quant à lui la solution de la dénormalisation du domaine de la construction: c'est à ce prix que l'architecture pourra répondre aux enjeux sociaux qui lui sont actuellement posés. Il ajoute: « Le chantier est un moment social, un facteur d'intégration. »
La loi française sur l'architecture de 1977 énonce: « La direction de travaux, et surtout la coordination des interventions de techniciens multiples qui caractérisent les chantiers de notre époque, tend à devenir une fonction particulière assurée par des professionnels spécialisés en cette matière ».
Cette évolution consiste à faire disparaître du projet architectural toute conception technique et, par conséquent, à dépouiller l'architecte de toute autorité sur les techniciens.
18. IMPACT CONCEPTUEL
« [La nuance] c'est là, la différence entre la construction et l'architecture, entre le compliqué et le complexe, entre le parking et le paysage. [...] on regrettera le temps où la nuance était possible. »
Lucien Kroll
Le passage de la production unitaire à la production industrielle suscite des transformations du travail de conception: de ses méthodes, doctrines, structures professionnelles.
Il y a cent ans, le projet est conçu dans une globalité par l'architecte. Le terme projet comprend souvent la conception du mobilier, la quincaillerie et le dessin des espaces extérieurs.
Sous l'effet de la normalisation généralisée, l'architecte a du évoluer pour s'adapter à des éléments conçus ailleurs.
« Comment peut-on reprocher aux architectes de reproduire toujours les mêmes motifs lorsque les industriels des bâtiments ne sont pourvus que de modèles Louis XVI ? »
Peu à peu, l'étude des détails, le choix des finitions, du mobilier, etc. ont été exclus du processus. La conception architecturale en viendra au cours du XXe siècle à se limiter à la mise en forme des structures, des enveloppes et des grands choix techniques dont dépend le coût d'un bâtiment.
Les autres niveaux de conception (design, urbanism, etc.) se sont spécialisés, autonomisés et automatisés en amont et en aval.
19. UNE PHILOSOPHIE DES MATÉRIAUX
Il y a cent ans, le projet est conçu dans une globalité par l'architecte. Le terme projet comprend souvent la conception du mobilier, la quincaillerie et le dessin des espaces extérieurs.
Sous l'effet de la normalisation généralisée, l'architecte a du évoluer pour s'adapter à des éléments conçus ailleurs.
« Comment peut-on reprocher aux architectes de reproduire toujours les mêmes motifs lorsque les industriels des bâtiments ne sont pourvus que de modèles Louis XVI ? »
Peu à peu, l'étude des détails, le choix des finitions, du mobilier, etc. ont été exclus du processus. La conception architecturale en viendra au cours du XXe siècle à se limiter à la mise en forme des structures, des enveloppes et des grands choix techniques dont dépend le coût d'un bâtiment.
Les autres niveaux de conception (design, urbanism, etc.) se sont spécialisés, autonomisés et automatisés en amont et en aval.
19. UNE PHILOSOPHIE DES MATÉRIAUX
« L'art de bâtir consiste dans une heureuse application des sciences exactes aux propriétés de la matière. »
J. B. Rondelet
Les esprits de la construction, en leur différentes époques, témoignent de rapports divers à la matière.
De fait, la lisibilité du principe de gravité qui caractérise une partie de l'architecture éclectique rationnelle disparaît au profit d'une autre perception des dimensions inspirée par la technique du béton: l'architecture naît d'une masse liquide, l'objet, au lieu d'être déterminé par l'élévation graduelle, vit l'attente immobile de la prise et du séchage. Les formes sont coulées, la masse est totale.
Les premières constructions en béton semblent de fait échapper à la loi de la pesanteur, et engendrent une nouvelle temporalité sur le chantier.
D'une certaine façon, on pourrait qualifier ces conceptions d'architectures molles, -sans confondre toutefois avec l'expression en usage depuis 1995, qui désigne la constitution plastique d'une impression de mollesse par une construction dure subordonnée à cet objectif.
Il est a noter que ce dernier mouvement n'échappe pas aux questionnement fondamentaux cités plus avant: à quelles réalisations doivent mener les libertés technologiques et informatiques récemment acquises? Á une expression formelle cosmétique, c'est-à-dire gratuite, baroque, ou à un résultat rationnel de la révolution technico-architecturale qui l'a permise?
« Dès à présent, connaissant les propriétés physiques et chimiques de l'air, nous pouvons imaginer un équipement qui permettrait de construire des volumes sans emploi de matériaux. Pour l'instant la dépense d'énergie est trop élevée. Mais le jour viendra où nous saurons nous passer de matériaux de construction. »
20. LIGNES D'ARRIVÉE
Cet article tente de témoigner des rencontres faites au fil d'une recherche qui se donnait pour cible d'approcher différents esprits de la construction.
L'objectif de ce travail, moins que de tenter de circonscrire un sujet, était donc d'esquisser toutes les pistes de développement rencontrées lors des recherches sur ce thème.
Deux siècles sont traversés: l'éclectisme, cette « modernité », s'est révélé cadre d'action et méthode de projet plutôt que dogme, et a éclairé les fondements de recherche sur lesquels agissaient les architectes de l'Art Nouveau.
Est apparu le débat éternel de l'ornement, dont les définitions contemporaines mériteraient bien des analyses et développements.
Le bouillonnement technologique qui caractérise l'époque nous a mené au siècle de la normalisation. On a tenté d'esquisser les événements à l'origine de l'idée même de production industrielle.
S'est posée la question de l'influence de l'organisation industrielle sur la pratique architecturale, sur le lieu social qu'est le chantier.
Le matériau, dans cette histoire, occupe certainement l'une des premières places: son cycle -invention, production, transformation, conception, philosophie, mise en oeuvre, potentiel recyclage- conte tous les rapports -économiques donc politiques et sociaux donc philosophiques, artistiques- que l'homme entretient au fait édification.
Ces questionnements en appellent d'autres, étroitement reliées aux réalités contemporaines.
Par exemple, le terme expressionnisme structurel que nous citons dans l'introduction s'emploie aujourd'hui pour désigner une architecture qui propose sa technologie en esthétique: quel est le cadre dans lequel elle se pense? La structure y incarne-t-elle de la même manière la notion de vérité?
Que représente le compromis fait de l'efficacité au profit de l'expression? C'est-à-dire: tend-elle seulement à l'expression de la structure ou compose-t-elle une esthétique de la « structure expressive »?
La question de l'ornement, de sa convenance, sous-tend-elle encore la création contemporaine?
Aujourd'hui, le mot conception a remplacé le terme composition, dans lequel on devine la notion d'équilibre. Sur quel plan dès lors se règle l'enjeu des bâtiments contemporains? La diversité des pratiques actuelles traduit-elle une période de nouvel éclectisme?
Il faudrait encore aborder le paradoxe qui fit rejeter l'histoire aux modernistes tout en gardant la même définition du projet que les éclectiques.
Notre approche de la construction industrielle est restée relativement morale: l'industrie est célébrée si elle produit une architecture, et méprisée si par l'image qu'elle propose et par son action, elle massacre des richesses sociales ou culturelles.
Quelle idéologie reflète le recours aux technologies qui sont les nôtres actuellement? Quels en sont les impacts sociaux et politiques?
C'est Salvador Dali qui appelait, en lieu et place de la modernité, à un « classicisme artisanal ».
Etc.
Les questionnements des architectes éclectiques, ce « groupe d'hommes de l'art [qui] impose son utilité sociale » ne sont-ils pas ceux qui nous habitent, quant aux critères de justifications, à la méthode de projet, à l'enseignement de l'architecture?
Il n'y a pas de typologie qui puisse résumer correctement le travail des architectes du XIXe siècle.
J'ai renoncé ici à illustrer le propos par la mise en exergue de quelque bâtiment exemplaire, puisque, du point de vue théorique, c'est l'approche du mouvement en tant que système contradictoire qui lui donne sa cohérence. Le propos n'a de sens que s'il reste multiple.
J.-P. Epron conclut: « L'éclectisme est pragmatique, concret, efficace, moderne. »
L'éclectisme est aujourd'hui habituellement et erronément considéré comme historique: j'espère avoir remonté quelques pistes qui contribuent à en démontrer la contemporanéité, si pas l'actualité permanente.
De fait, la lisibilité du principe de gravité qui caractérise une partie de l'architecture éclectique rationnelle disparaît au profit d'une autre perception des dimensions inspirée par la technique du béton: l'architecture naît d'une masse liquide, l'objet, au lieu d'être déterminé par l'élévation graduelle, vit l'attente immobile de la prise et du séchage. Les formes sont coulées, la masse est totale.
Les premières constructions en béton semblent de fait échapper à la loi de la pesanteur, et engendrent une nouvelle temporalité sur le chantier.
D'une certaine façon, on pourrait qualifier ces conceptions d'architectures molles, -sans confondre toutefois avec l'expression en usage depuis 1995, qui désigne la constitution plastique d'une impression de mollesse par une construction dure subordonnée à cet objectif.
Il est a noter que ce dernier mouvement n'échappe pas aux questionnement fondamentaux cités plus avant: à quelles réalisations doivent mener les libertés technologiques et informatiques récemment acquises? Á une expression formelle cosmétique, c'est-à-dire gratuite, baroque, ou à un résultat rationnel de la révolution technico-architecturale qui l'a permise?
« Dès à présent, connaissant les propriétés physiques et chimiques de l'air, nous pouvons imaginer un équipement qui permettrait de construire des volumes sans emploi de matériaux. Pour l'instant la dépense d'énergie est trop élevée. Mais le jour viendra où nous saurons nous passer de matériaux de construction. »
20. LIGNES D'ARRIVÉE
Cet article tente de témoigner des rencontres faites au fil d'une recherche qui se donnait pour cible d'approcher différents esprits de la construction.
L'objectif de ce travail, moins que de tenter de circonscrire un sujet, était donc d'esquisser toutes les pistes de développement rencontrées lors des recherches sur ce thème.
Deux siècles sont traversés: l'éclectisme, cette « modernité », s'est révélé cadre d'action et méthode de projet plutôt que dogme, et a éclairé les fondements de recherche sur lesquels agissaient les architectes de l'Art Nouveau.
Est apparu le débat éternel de l'ornement, dont les définitions contemporaines mériteraient bien des analyses et développements.
Le bouillonnement technologique qui caractérise l'époque nous a mené au siècle de la normalisation. On a tenté d'esquisser les événements à l'origine de l'idée même de production industrielle.
S'est posée la question de l'influence de l'organisation industrielle sur la pratique architecturale, sur le lieu social qu'est le chantier.
Le matériau, dans cette histoire, occupe certainement l'une des premières places: son cycle -invention, production, transformation, conception, philosophie, mise en oeuvre, potentiel recyclage- conte tous les rapports -économiques donc politiques et sociaux donc philosophiques, artistiques- que l'homme entretient au fait édification.
Ces questionnements en appellent d'autres, étroitement reliées aux réalités contemporaines.
Par exemple, le terme expressionnisme structurel que nous citons dans l'introduction s'emploie aujourd'hui pour désigner une architecture qui propose sa technologie en esthétique: quel est le cadre dans lequel elle se pense? La structure y incarne-t-elle de la même manière la notion de vérité?
Que représente le compromis fait de l'efficacité au profit de l'expression? C'est-à-dire: tend-elle seulement à l'expression de la structure ou compose-t-elle une esthétique de la « structure expressive »?
La question de l'ornement, de sa convenance, sous-tend-elle encore la création contemporaine?
Aujourd'hui, le mot conception a remplacé le terme composition, dans lequel on devine la notion d'équilibre. Sur quel plan dès lors se règle l'enjeu des bâtiments contemporains? La diversité des pratiques actuelles traduit-elle une période de nouvel éclectisme?
Il faudrait encore aborder le paradoxe qui fit rejeter l'histoire aux modernistes tout en gardant la même définition du projet que les éclectiques.
Notre approche de la construction industrielle est restée relativement morale: l'industrie est célébrée si elle produit une architecture, et méprisée si par l'image qu'elle propose et par son action, elle massacre des richesses sociales ou culturelles.
Quelle idéologie reflète le recours aux technologies qui sont les nôtres actuellement? Quels en sont les impacts sociaux et politiques?
C'est Salvador Dali qui appelait, en lieu et place de la modernité, à un « classicisme artisanal ».
Etc.
Les questionnements des architectes éclectiques, ce « groupe d'hommes de l'art [qui] impose son utilité sociale » ne sont-ils pas ceux qui nous habitent, quant aux critères de justifications, à la méthode de projet, à l'enseignement de l'architecture?
Il n'y a pas de typologie qui puisse résumer correctement le travail des architectes du XIXe siècle.
J'ai renoncé ici à illustrer le propos par la mise en exergue de quelque bâtiment exemplaire, puisque, du point de vue théorique, c'est l'approche du mouvement en tant que système contradictoire qui lui donne sa cohérence. Le propos n'a de sens que s'il reste multiple.
J.-P. Epron conclut: « L'éclectisme est pragmatique, concret, efficace, moderne. »
L'éclectisme est aujourd'hui habituellement et erronément considéré comme historique: j'espère avoir remonté quelques pistes qui contribuent à en démontrer la contemporanéité, si pas l'actualité permanente.
Je recommande vivement et avant toute chose la lecture du passionnant ouvrage de Jean-Pierre EPRON, Comprendre l'ecléctisme, NORMA éditions, 1997, qui a énormément nourri ma recherche et aidé ma compréhension de l'architecture en général, et des guerres de styles, d'écoles, de mots et d'idéologies en particulier.
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BIBLIOGRAPHIE
A titre de consultation:
ARNHEIM Rudolf, Dynamique de la forme architecturale, Coll. Architecture + Recherches, Mardaga, Bruxelles, 1986;
BORSI franco & WIESER Hans, Bruxelles, capitale de l’Art Nouveau, Coll. Europe 1900, J.-M. Collet, 1996;
EPRON Jean-Pierre, Comprendre l'éclectisme, Institut Français d'Architecture, Norma Editions, Paris, 1997;
GRENIER Lise & WIESER Hans, Le siècle de l'éclectisme, Lille 1830-1930, Tome 1, AAM, Paris-Bruxelles, 1979;
LAUGIER Marc-Antoine, Essai sur l'architecture, Editions Mardaga, Bruxelles 1979;
LOOS Adolf, Ornement et crime, Rivages poche, Collection Petite Bibliothèque, Paris, 2003;
LOYER François, Paul Hankar, AAM Editions, Paris-Bruxelles, 1986;
LOZE Pierre, Bruxelles, XIXe siècle et Art nouveau, Eiffel Editions, CFC Editions, Bruxelles 1990;
Catalogue de l'exposition Architecture et Industrie, passé et avenir d'un mariage de raison, par le Centre de Création Industrielle, Centre Georges Pompidou, 1983;
Criticat, Numéro 2, Association Criticat, Paris, septembre 2008;
PIVIN Jean-loup, Ornement n'est pas crime, http://www.revuenoire.com/fr/textes.php?article=ornement
BELLANGER François, interview de François ROCHE, Vers une architecture « molle et poilue »?, www.transit-city.com/ateliers/precedentes/architecturemolle/, 2004;
Coll. , Architecture molle, fr.wikipedia.org/wiki/Blob_architecture (cit. En 1956, dans "Les Cocus du vieil art moderne", Salvador Dali annonçait la venue d'une architecture "molle et poilue")
Coll., La critique d'art en France, 1850-1900 ,Travaux LXIII,Université de Saint-Etienne, Centre Interdisciplinaire d'Études et de Recherches sur l'Expression Contemporaine, 1987;
A titre de référence:
QUATREMERE DE QUINCY Antoine Chrysostome, Encyclopédie méthodique ou par ordre des matières,
VIOLLET-LE-DUC Eugène, Entretiens sur l'architecture, 1863-1876, Coll. Architecture Urbanisme, Margada, 1995;
A titre de curiosité complémentaire:
ARON Jacques, L’invention de l’architecture, CFC-Edtions. Bruxelles, 1998;
BURKE Edmund, Recherche philosophique sur l’origine de nos idées du sublime et du beau (1757), trad.
ELEB-VIDAL Monique & DEBARRE-BLANCHARD Anne. Architecture de la vie privée. AAM. Bruxelles, 1989.
GOETZ Benoît, La dislocation - Architecture et philosophie, Paris, éd. de la Passion, 2002;
HOOZEE Robert, L’Art moderne en Belgique, 1900-1945, Fonds Mercator, Anvers, 1992;
HENNEBERT Diane, Verre & Métal, OCDH, Bruxelles, 1994;
VAN DE VELDE Henri, Déblaiement d’art. Editions des Archives d’Architecture Moderne. Bruxelles, 1979.
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EPRON Jean-Pierre, Comprendre l'éclectisme, Institut Français d'Architecture, Norma Editions, Paris, 1997;
GRENIER Lise & WIESER Hans, Le siècle de l'éclectisme, Lille 1830-1930, Tome 1, AAM, Paris-Bruxelles, 1979;
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LOOS Adolf, Ornement et crime, Rivages poche, Collection Petite Bibliothèque, Paris, 2003;
LOYER François, Paul Hankar, AAM Editions, Paris-Bruxelles, 1986;
LOZE Pierre, Bruxelles, XIXe siècle et Art nouveau, Eiffel Editions, CFC Editions, Bruxelles 1990;
Catalogue de l'exposition Architecture et Industrie, passé et avenir d'un mariage de raison, par le Centre de Création Industrielle, Centre Georges Pompidou, 1983;
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PIVIN Jean-loup, Ornement n'est pas crime, http://www.revuenoire.com/fr/textes.php?article=ornement
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Coll. , Architecture molle, fr.wikipedia.org/wiki/Blob_architecture (cit. En 1956, dans "Les Cocus du vieil art moderne", Salvador Dali annonçait la venue d'une architecture "molle et poilue")
Coll., La critique d'art en France, 1850-1900 ,Travaux LXIII,Université de Saint-Etienne, Centre Interdisciplinaire d'Études et de Recherches sur l'Expression Contemporaine, 1987;
A titre de référence:
QUATREMERE DE QUINCY Antoine Chrysostome, Encyclopédie méthodique ou par ordre des matières,
VIOLLET-LE-DUC Eugène, Entretiens sur l'architecture, 1863-1876, Coll. Architecture Urbanisme, Margada, 1995;
A titre de curiosité complémentaire:
ARON Jacques, L’invention de l’architecture, CFC-Edtions. Bruxelles, 1998;
BURKE Edmund, Recherche philosophique sur l’origine de nos idées du sublime et du beau (1757), trad.
ELEB-VIDAL Monique & DEBARRE-BLANCHARD Anne. Architecture de la vie privée. AAM. Bruxelles, 1989.
GOETZ Benoît, La dislocation - Architecture et philosophie, Paris, éd. de la Passion, 2002;
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HENNEBERT Diane, Verre & Métal, OCDH, Bruxelles, 1994;
VAN DE VELDE Henri, Déblaiement d’art. Editions des Archives d’Architecture Moderne. Bruxelles, 1979.